Je venais juste de crever. Ma vie avait toujours été remplie de bonnes actions. J'avais toujours voté pour les bons, j'avais toujours été contre les mauvais. Je m'étais toujours tenu à ma place dans la société. J'avais toujours donné à toutes les quêtes pour les bonnes oeuvres. Par conséquent, crevant, mon âme venant juste de se séparer de mon corps, je la suivis. J'étais bien obligé de la suivre, parce que mon corps, les autres, ils étaient en train de le foutre dans une grosse caisse en bois. Caisse de forme allongée. Et puis, ils creusaient un trou dans la terre. Et puis, ils l'enterraient comme une merde. Et puis, les asticots venaient le bouffer. Et puis, il n'en restait plus qu'une espèce de gruyère. Les tunnels creusés par les vers valaient celui du Mont Blanc. Donc moi, je suivais mon âme. J'allais me présenter devant le tribunal de Dieu.
J'arrive dans la salle d'attente du paradis. Je prends mon numéro d'appel et j'attends. J'ai le numéro 72. Saint Pierre s'amène avec sa sonnette et un balai à la main. Il annonce Dieu. Bon, ça va être le jugement. Je n'ai pas grand chose à craindre.
Voilà Dieu. Avec sa belle et longue barbe blanche. Il est en trois dimensions. Il commence un discours. Moi, je rêvasse. J'ai toujours été un bon, pendant ma vie. Je n'ai pas à m'en faire. Je n'ai rien à craindre. Mais le voilà qui se met à parler de la terre. Le voilà qui se met à remonter au déluge. A la création du monde. A la révolte des mauvais anges. Le voilà qui dit qu'il a été vaincu dans cette révolte des mauvais anges. C'est lui qui a perdu la guerre. Ben! merde! Que c'est Lucifer, il raconte, Satan, le diable, quoi, qui a pris le pouvoir après sa victoire militaire sur lui, pauvre Dieu sans pouvoir. Et Satan, il s'est emparé de tous les moyens audiovisuels du ciel. Et il dit Dieu, que comment on aurait pu s'imaginer que Lui, Infiniment Bon et Infiniment Aimable, il aurait permis toutes les saloperies qui se passent sur la terre! Il dit que comment on aurait pu s'imaginer qu'il aurait pu accepter des cochonneries comme les guerres, les tremblements de terre et autres calamitées. Comment il aurait accepté les papes ou les curés ou les capitalistes de tout poil qui ont bonne conscience parce qu'ils vont à la messe tous les dimanches. Comment qu'on aurait pu s'imaginer que c'était un Bon Dieu, avec deux majuscules, qui avait pu permettre ça. Lui, qu'il disait, il n'était qu'un prisonnier. Il n'avait aucun pouvoir de décision. Il était obligé de remettre le sort de tous les nouveaux crevés entre les mains de Satan, le maître du monde.
Ce matin, je me suis réveillé en sueur. J'étais trempé.
C'est dimanche. Je vais prier Dieu, qu'il m'épargne à l'avenir des cauchemars de cette sorte.